Carburants La hausse des prix se précise
Les manœuvres pour réduire la production de pétrole combinées à l’augmentation des taxes vont provoquer une remontée des prix dès le début de l’année.
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Il est grand temps de remplir les cuves de fioul et de GNR ! Depuis deux semaines, le prix du baril de pétrole s’envole, dépassant la barre symbolique des 50 dollars. En cause, l’accord du 30 novembre entre les membres de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole*), qui prévoit une diminution de la production à 32,5 millions de barils par jour (Mb/j). L’objectif pour les membres du cartel est de provoquer une remontée du prix du baril, qui a dégringolé sous la barre des 30 dollars en janvier 2016. En cause, la capacité de production mondiale (production + capacité résiduelle de l’Opep pouvant être mise en production rapidement) de 99,3 Mb/jour quand la demande n’est que de 95,6 Mb/jour.
Les États-Unis, qui ont inondé le marché avec leur pétrole de schiste au point de devenir le premier producteur mondial devant la Russie et l’Arabie Saoudite, ont totalement perturbé le marché en 2014 et provoqué la chute des cours. Les Saoudiens ont entamé un bras de fer avec l’Oncle Sam et n’ont pas limité la production dans un premier temps. Mais ils ont été pris à leur propre jeu, leur économie entièrement basée sur l’or noir menaçant de vaciller. Ils ont donc cédé aux demandes de leurs partenaires de l’Opep et engagé des discussions dès l’automne pour limiter la production.
L’Arabie Saoudite ferme les vannes
L’affaire était pourtant mal engagée à la sortie de la réunion d’Alger en septembre, les différends politiques entre l’Arabie Saoudite et l’Iran compromettant fortement un accord sur la réduction de la production. Cependant, les difficultés économiques rencontrées par les membres de l’Opep, dont certains comme le Venezuela sont au bord de la banqueroute, ont eu raison des guerres d’influence. Noureddine Boutarfa, ministre algérien de l’Énergie, n’a pas ménagé ses efforts et les allers et retours entre Téhéran et Riyad pour convaincre les deux ennemis de s’entendre. Résultat payant puisque l’accord prévoit une future production dans la fourchette basse des propositions d’Alger. Cela représente un recul non négligeable de 1,2 MB/j. L’Arabie Saoudite réalise une grande partie de la réduction avec 0,5 MB/j en moins. De son côté, l’Iran, qui commence tout juste à récolter les fruits de la levée de l’embargo international, s’engage à geler l’augmentation de sa production. L’Irak va fermer les vannes à hauteur de 210 000 barils par jour. Le Koweit et le Qatar produiront chacun 300 000 barils par jour de moins. L’Algérie, le Venezuela et les autres producteurs se partagent le reste du quota de réduction.
Parce que les membres de l’Opep ne sont pas les seuls dont les économies sont exsangues à cause du prix bas du baril, douze pays se sont joints aux discussions du cartel, samedi 10 décembre à Vienne (Autriche), et sont parvenus à un accord. Ainsi, Russie, Azerbaïdjan, Bahreïn, Bolivie, Brunei, Guinée équatoriale, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Oman, Soudan et Soudan du Sud vont réduire leur production à leur tour. Pour ces producteurs, l’effort de réduction des extractions sera de 558 000 barils par jour. Ce niveau est légèrement en deçà des attentes de l’Opep, qui tablait sur 600 000 barils par jour. La Russie sera le plus important contributeur puisqu’elle abaissera sa production quotidienne de 300 000 barils.
Le pétrole de schiste redevient rentable
Parmi les poids lourds de la production mondiale de pétrole, seuls les États-Unis, le Canada et la Norvège n’ont pas prévu de réduire leur production. Donald Trump a même annoncé son intention de renforcer l’indépendance énergétique de son pays en soutenant le pétrole de schiste. De nombreux rigs fermés après la chute des cours sous les 40 dollars/baril sont redevenus rentables et pourraient reprendre l’extraction. De l’autre côté de la frontière, les Canadiens attendent la remontée des cours pour relancer l’exploitation à grande échelle des sables bitumineux. Quant à la Norvège, elle se permet d’attendre des jours meilleurs car son économie ne dépend pas de la manne pétrolière, l’argent de l’or noir étant économisé pour les futures générations.
La réaction des marchés ne s’est pas fait attendre et, dès le lundi suivant l’accord de Vienne, le prix du baril de Brent (mer du Nord) valait 57,89 dollars. Mais pour Francis Duseux, président de l’Union française des industries pétrolières (Ufip), la hausse du prix de l’or noir ne sera pas aussi impactante que celle des nouvelles taxes qui vont frapper le fioul et le gazole. « Sur un litre de gazole, le pétrole et le raffinage ne représentent que 25 % du prix final, précise le pétrolier. Et si certains membres de l’Opep ou même de l’alliance autour de la Russie peuvent rompre leur engagement de réduction de production à tout moment si les prix redeviennent intéressants, on est certains que l’État français ne baissera pas les taxes. »
La Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) connaîtra une nouvelle hausse au 1er janvier 2017. Une augmentation d’environ 27 € serait à prévoir sur une commande de 1 000 l de fioul domestique, selon la loi de finance rectificative de 2015.
La TICPE a doublé en trois ans
Depuis 2014, une composante carbone a été intégrée à la TICPE. Elle correspond à la contribution climat-énergie, plus communément appelée « taxe carbone » destinée à financer la transition énergétique et à décourager l’utilisation d’énergies fossiles. Depuis son instauration, la Contribution climat énergie (CCE ou taxe carbone) a augmenté, passant de 7 € par tonne de CO2 à 22 €, et la tendance se poursuivra en 2017 puisqu’une hausse de 8,5 € par tonne de CO2 émise est prévue. L’objectif du gouvernement est d’atteindre 100 € la tonne en 2030. Un niveau qui, selon les pétroliers de l’Ufip, constituerait un signal relativement efficace pour faire évoluer les habitudes.
Alors que la TICPE s’élevait à 67,92 € pour 1 000 litres de fioul domestique en 2014, la taxe a depuis grimpé pour atteindre 91,68 € en 2015, puis 115,56 € en 2016. En 2017, elle devrait s’élever à 142,68 € pour 1 000 litres de fioul, soit plus du double par rapport à 2014. Les taxes sur le fioul domestique (TVA et TICPE) représenteront en 2017 environ 33 % du prix de ce carburant.
La hausse de la CCE sert en partie à limiter celle de la CSPE (Contribution pour le service public de l’électricité). Cette taxe payée par les consommateurs d’électricité sert essentiellement à financer le développement des énergies renouvelables et la parité de prix entre toutes les régions françaises, Dom-Tom compris, ainsi que les tarifs sociaux de l’électricité. Avec cette augmentation de la CCE, le gouvernement français cherche à limiter la taxation sur les énergies renouvelables et le nucléaire en ponctionnant davantage du côté des énergies fossiles. Avec ces perspectives peu réjouissantes pour le prix des produits pétroliers, il est peut-être temps de s’offrir une formation à la conduite économique pour Noël.
* Pays membres de l’Opep : Algérie, Angola, Gabon, Libye, Nigeria, Équateur, Venezuela, Arabie Saoudite, Emirats Arabes unis, Irak, Iran, Koweït, Qatar et Indonésie.
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